Nôtre rêve d'apercevoir l'Himalaya nous pousse à nous rendre à Rishikesh, ville située sur les premiers contreforts de cette légendaire chaîne de montagne. Finalement, aucun mont enneigé à l'horizon. Seul le fleuve du Gange, à quelques kilomètres de sa source mais déjà imposant, commence sa longue descente vers le Bengale et dessine une vallée au milieu de hautes collines verdoyantes. On se sent ici un peu plus en hivers, les nuits sont 20°C plus froides qu'à Pondicherry. Les écoles des Yoga et les ashrams (centre de méditation) occidentalisés poussent de partout pour satisfaire une clientèle en quête d'exotisme spirituel. Depuis le passage des Beatles, ce haut lieu de méditation a sans doute perdu de son authenticité. Cette étape est néanmoins très reposante et revigorante, nous respirons de l'air plus pur dans ses rues (presque) piétonnes et au gré de nos balades (presque) dans l'Himalaya.
3, 4, 5, 6 février
Sandra et Nicolas, proviseur du Lycée français de New Delhi, nous accueillent 3 mois après notre premier passage. Toujours aussi sympathiques, ils nous réservent même une surprise un soir au dîner. Ils ont invité deux anciens enseignants de Lisbonne dont M. Mercury, professeur de philosophie d'Emi en terminale.
Delhi nous apparaît sous un nouveau jour, les rues que nous avions traversées les premiers jours ne nous effrayent plus. Personne ne nous suit ni nous accoste pour nous tromper, à croire que l'assurance et l'expérience gagnées se lisent sur nos visages. Nous découvrons une autre facette de Delhi, celle de la classe moyenne avec ses grands boulevards bordés de parcs, son métro moderne et flambant neuf, ses centres commerciaux aux grandes enseignes et ses salles de spectacle. Dommage que tout cela ne profite qu'aux 10% de la population la plus aisés, celle qui cache la misère de l'Inde sur le plan internationale.
1, 2 février
2 mois que nous nous prommenons avec ce ticket en poche : train n°22403 Pondicherry-Delhi, départ le 1er février 2012 à 9h05. Mais voilà, cette date nous paraissait tellement lointaine que nous ne l'avons pas vu venir. « Time does fly ». Nous pensions avoir fait une bonne affaire en arrivant le lendemain à 4h du matin, le guichetier nous l'avait d'ailleurs affirmer. Ne jamais faire confiance à un indien, même derrière un bureau. Le trajet dure en réalité 44 heures, soit une journée de plus que prévu. La catégorie populaire nous plaît - 8 personnes dans 6m², fenêtres brinquebalantes impossibles à fermer, discussions à haute voix qui s'éternisent dans la nuit, courants d'air, petites souris – ou plutôt elle nous convient. Pour autant, l'ambiance est détendue, les kilomètres s'égrainent lentement mais surement, à l'image des trains indiens.
Oiseaux du sud de l'Inde
Martin forestier
Acridotheres fuscus
Rollier indien
Coracias benghalensis
Témia vagabonde
Dendrocitta vagabunda
Drongo royal
Dicrurus macrocercus
Drongo à raquette
Dicrurus paradiseus
Martin-chasseur de Smyrne
Halcyon smyrnensis
Pie-grièche schach
Lanius schach
Bergeronnette des ruisseaux
Motacilla cinerea
Bergeronnette indienne
Motacilla maderaspatensis
Bulbul orphée
Pycnonotus jocosus
Tarier pie
Saxicola caprata
Huppe fasciée
Upupa epops
Zostérops oriental
Zosterops palpebrosus
29, 30, 31 janvier
« Pondicherry, Chandernagore, Mahé, Yanaon, Karikal » les voix des nos grand-parents résonnent dans nos têtes, autant de noms empreints d'exotisme et d'une mystérieuse nostalgie de cette France que nous n'avons pas connue. Malgré les nombreuses recommandations des routards rencontrés de-ci de-là de ne pas s'arrêter à Pondicherry, nous ne pouvons y résister. La ville n'a en effet pas le charme qu'on pouvait lui imaginer. Motos, rickshaws et autres véhicules circulent dans les rues qui quadrillent la ville dans un vacarme assourdissant. Seul l'ancien quartier français tourné vers le Golfe du Bengale est épargné. Sur les « rue de la Marine », « rue Mahé de la Bourdonnais » et autres s'élèvent de belles demeures coloniales aujourd'hui transformées en lycée, alliance et consulat français. Il nous arrive parfois d'entendre la langue de Molière au détour d'une rue, à la porte d'une boulangerie ou au coin d'une table de restaurant.
Nous sommes hébergé par une famille du Tamil Nadu installée dans la banlieue de Pondicherry. En bonne famille traditionnelle indienne, les femmes préparent et servent le repas aux hommes et aux invités avant de manger à leur tour. Le couchsurfeur Natesa ne nous prête guère d'attention, alors que sa mère et sa sœur sont aux petits soins. Chaque jour, du petit-déjeuner au souper, nous découvrons de nouvelles spécialités de la région. Peu de bus relient le centre-ville au domicile, nous n'avons donc d'autre choix que de tendre le bras et lever le pouce. A notre grand étonnement, il ne nous faut jamais plus de cinq minutes pour qu'une voiture, camionnette ou moto s'arrête. Les chevauchées à trois sur une Hero Honda ne sont pas sans risque, le principal étant la police corrompue.
C'est à Pondicherry que Sri Aurobindo, leader politique indien en faveur de l'indépendance, se réfugie en 1908 et fonde sa théorie spirituelle. Il est bientôt rejoint par une française, appelée « la Mère », qui concrétise sa pensée par la création d'Auroville. Cette ville a pour but la réalisation spirituelle. Elle est élaborée autour d'un centre de méditation, le Matrimandir, et se compose de différentes communautés, travaillant chacune dans son domaine de compétence. L'idée nous paraît tout à fait louable, mais le culte de la personnalité voué à « la Mère » nous met mal à l'aise. L'accueil y est froid, ce qui ne nous donne pas envie de nous attarder ici.
23 au 28 janvier
Nous ne perdons pas de temps pour reprendre la route en direction de Pondicherry. Nous replongeons dans le bruit, la saleté et l'agitation des villes indiennes accompagnés de deux co-stagiaires : Johnny le new-yorkais et Katja l'allemande. Johnny, un hippie de 40 ans au physique d'un Christ de 25 ans, a quitté l'Amérique à la recherche d'une nouvelle vie - à Bali peut-être – muni d'un petit sac à dos plus léger qu'un seul de nos duvets. Ce personnage atypique, en besoin constant d'attention, agit souvent en décalage avec ce qu'il prétend être. Malgré ce caractère, nous passons une agréable journée en sa compagnie au rythme lent des trains indiens.
Le Tamil Nadu, état pauvre entre le Kérala et le Golfe du Bengale, regorge de temples, les plus beaux de l'Inde. Deux grandes dynasties se sont succédées sur ces terres : les Pallavas rayonnèrent entre le VIe et le VIIIe siècle et les Cholas entre le VIIe et le XIIe siècles. La couleur de peau des indiens diffère ici, comme au Kérala, du Nord de l'Inde. La population autochtone de l'Inde, les dravidiens, s'est réfugiée dans ces régions du sud pour échapper à l'invasion aryenne de 1600 à 1000 avant Jésus-Christ. Malgré leurs origines communes, tout semble opposer le Kérala et le Tamil Nadu. Cette dernière accuse de grosses lacunes en terme d'éducation, maîtrise très mal l'anglais et la mendicité est omniprésente.
Madurai, la ville au Temple du lotus d'or, nous accueille pour notre première étape. Véritable ville dans la ville, ce temple dont la construction s'étend du VIIIe au XVIIe siècle, est le joyau de l'art dravidien. D'immenses cheminées aux milliers de dieux sculptés (multi)colorent le ciel. Le kitsch indien dans toute sa splendeur. L'enceinte renferme deux principaux temples dédiés à Shiva, le dieu destructeur, et à Meenakshi, incarnation de Parvati l'épouse de Shiva. Tous les soirs, une procession déplace la statue de Shiva jusqu'au temple de sa bien-aimée pour leur permettre de passer la nuit ensemble. Shiva est en effet un dieu très sexuel de la mythologie hindoue, souvent représenté sous la forme d'un linguam, son symbole phallique. C'est ici, dans la ville même où Gandhi avait renoncé à tout autre vêtement que le dhoti du pauvre, simple étoffe de coton, qu'est exposé son habit maculé de sang du jour de son assassinat.
Notre arrêt à Tanjore, 150 kilomètres au nord-est de Madurai, est bref, le temps de visiter un des somptueux temples vivants des Cholas. Au coucher du soleil, les pierres blondes illuminent la cour où se mêlent touristes et indiens parfois venus de loin pour vénérer l'impressionnant linguam protégé par un cobra royal à 5 têtes, attribut de Shiva. L'ocre des pierres, le rouge des dévots de Shiva, le blanc des colliers de fleurs se mêlent à l'arc-en-ciel des saris dans un festival de couleur.
Pour clore ce chapitre des grandes dynasties du sud de l'Inde, nous nous rendons à Mahabalipuram. Ce petit village de tailleurs de pierres, situé entre Pondicherry et Madras, s'est installé entre le sable et la roche au bord du Golfe du Bengale. La civilisation des Pallavas a érigé un nombre surprenant des temples et de sculptures à même la roche ayant résisté aux 11 siècles d'embrun et d'érosion. Le tsunami de 2004 n'a pas endommagé de monument, il a même révélé les vestiges d'un autre temple.
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