22, 23, 24, 25, 26 novembre


            Jaisalmer, la ville la plus à l'ouest du Rajasthan, se situe à quelque 70 kilomètres de la frontière pakistanaise en plein milieu du désert du Thar. Cette situation géographique explique ses deux principales ressources : le tourisme et l'armée. La cité dorée, nom donné du fait de la couleur sable de ses pierre, est construite autour d'une forteresse du XIIe siècle. La vie est toujours très présente dans ce fort érigé par des barbares rajpoutes, les Marwaris, qui semaient la terreur dans les environs. Les antiquaires, marchands d'artisanat local et les hôtels se sont ajoutés au palais Marawari et temples jaïns pour peupler les ruelles étroites et entièrement piétonnes qui surplombent le reste de la ville. Les guerriers qui habitaient là jadis, avaient un code d'honneur à faire pâlir nos preux chevaliers d'Occident. Lorsqu'un combat était perdu d'avance, un rituel sacré s'engageait, le Jahor, où les épouses s'immolaient avant que leurs maris se lancent dans une attaque suicide appelée Chaka. Au pied de la forteresse, de riches marchands d'épices et d'opium  ont fait construire à partir du XVIIIe siècle de magnifiques demeures, les havelis. Certains de ces  petits palais, aux façades remarquablement ouvragées, sont restés intacts jusqu'à aujourd'hui. Au loin le désert s'étend à perte de vue.

            Nous avions pris contact avec un couchsurfeur qui nous attend à la gare pour nous accompagner jusqu'à un hôtel de la catégorie « chic » du Guide du Routard. Nous nous sentons tout de suite mal à l'aise car ce n'est pas notre conception du couchsurfing. Devant notre gène, nos hôtes ne cessent de nous répéter de nous sentir chez nous et que nous n'aurons rien à payer. Le toit de l'hôtel nous offre une vue imprenable sur le coucher de soleil.

            La principale attraction de Jaisalmer reste tout de même les safaris à dos de dromadaire. Nous choisissons l'agence de Monsieur Désert, l'icône de Jaisalmer. Grand rajpoute à la belle barbe noire touffue et aux yeux clairs et tendres, il figure sur la une d'un magazine de voyage, sur une affiche publicitaire de cigarettes, sur des cartes postales, etc. Après 45 minutes de Jeep sans porte ni ceinture, nous rejoignons les dromadaires. Nous avons la chance d'être seuls avec nos deux guides et 3 dromadaires. Le paysage ne ressemble pas au désert d'Arabie, ni à celui du Sahara. Nous traversons de grandes plaines semi-arides où quelques arbustes et plantes grasses ont trouvé leur place. Dans cette région, il n'y a eu aucune pluie entre 2000 et 2005, rendant de l'eau est plus précieuse que l'or et les diamants. Sans relâche, les villageois remplissent leur jarre au puits le plus proche pour subvenir aux besoins élémentaires. Malgré l'hostilité du milieu, nous sommes surpris par la diversité de la faune, notamment des oiseaux. Comme des mirages, des dunes de sable fin se dessinent et nous proposent de bivouaquer à la lumière du feu et des étoiles dans cette nuit de nouvelle lune. Il est difficile de décrire avec exactitude cette sensation de liberté éphémère que  nous ressentons quand, seuls au monde, nous contemplons le mouvement des astres.

Safari à dos de dromadaire

L'eau est précieuse dans cette région

Abdullah et son chameau Johnny #1

En route vers l'aventure

Dunes à l'horizon

Abdullah, notre guide

" Vers l'infini et au delà "

Bivouac avec nos guides

" massala tchaï time " (pause thé indien)


Coucher de soleil sur les dunes



Lever de soleil sur les dunes

Photos du 25 novembre 2011

Jaisalmer

Palais du Rajmahal, demeure du Maharaja

Coucher de soleil sur le toit de l'hôtel


Lac de Gadi Sagar

Détail dans un temple Jaïn

Temple Jaïn dans la forteresse

Rajpoute

Partie de carte à l'ombre


Photos du 23 novembre 2011

18, 19, 20, 21 novembre


          Il nous faut 5 bonnes heures de bus pour rejoindre Jodhpur, 150 kilomètres à l'ouest de Pushkar. Le premier long trajet en carlingue rouillée de notre périple indien s'avère épique. Nous traversons des villages reculés où les saris aux couleurs chaudes contrastent avec les plaines arides du Rajasthan. Aux vues des regards persistants dans notre direction et des longs discours qui s'engagent par la suite, nous devons être les premiers blancs à prendre cette ligne depuis longtemps. Nous semblons beaucoup amuser une homme dont le turban safran surmonte un visage mate, aux traits burinés par le soleil, décoré d'une belle moustache recourbée et grisonnante. Impossible pour nous d'échanger autrement que par des gestes, des regards et des éclats de rire. Le bus avance péniblement sur les routes ravagées et poussiéreuses. Jodhpur, la ville bleue, apparaît, sortie de nulle part.

            Cette petite ville de près d'un million d'habitants est construites en trois parties autours d'un pic rocheux. En bas, les grandes avenues de la ville nouvelle sont surpeuplées, polluées, bruyantes et sales, comme très souvent en Inde. Puis la vieille ville grimpe à la colline jusqu'au pied de la superbe forteresse de Mehrangarh. C'est du haut de celle-ci que la couleur attribuée à Jodhpur prend tout son sens : nous dominons ce dédale de ruelles découpant de petits cubes bleus. Autrefois réservée aux maisons de la caste supérieure des brahmanes (équivalent du clergé), cette teinte a gagné le reste des habitations pour deux raisons : elle éloigne les insectes et conserve la fraîcheur, nécessaire dans la ville la plus ensoleillée d'Inde. Nous sommes fin novembre, il fait 35 degrés Celsius. 

            Nous rencontrons une population chaleureuse malgré une barrière de langue de plus en plus évidente. Les bambins, certains en guenilles, d'autres en tenue d'écolier, sont partout dans la rue et n'hésitent pas à nous accompagner quelques pas. « Hello ! Hav aye you ? What is name ?Where countri ? » (anglais approximatif signifiant « Salut ! Comment ça va ? Comment tu t'appelles ? D'où tu viens ?), tel est le refrain. Au détours d'une impasse, Raoul, 16 ans et gringalet, surveille les enfants de l'école de son père pendant le temps de midi. Il nous invite à entrer pour nous parler de sa culture. Nous pénétrons dans une grande pièce séparée en deux classes et le bureau du directeur. 30 élèves, 7 niveaux, 3 professeurs : anglais, hindi et gymnastique. Les cours démarrent à 7 heures et se terminent à 14 heures. L'école est gratuite et obligatoire pour tous mais les différences de qualité d'enseignement sont énormes. Encore une facette de l'Inde qui marche à plusieurs vitesses.

Jodhpur

Porche d'entrée typique des ruelles de Jodhpur

Ruelles de Jodhpur


Clock tower (horloge) et le fort de Merangarh au fond

La ville bleue

Fort de Merangarh

Partie de cricket improvisée

Photos du 20 novembre 2011

16, 17 novembre


            D'après le Guide du Routard, Pushkar mérite un petit détour avant de se rendre à Jodhpur. Nous prenons donc le train pour rejoindre Ajmer, étape obligatoire avant notre destination. 15 kilomètres de bus d'ascension sur des routes sinueuses et nous voilà arrivés. Cette petite ville est lovée autour d'un lac, entourée de quelques pics  rocheux sur lesquels culminent des temples vénérant des divinités hindous. Bagages posés dans la guesthouse, maison d'hôte rudimentaire très répandue en Inde, nous partons pour un aperçu du village et de ses habitants. Très vite, nous remarquons de nombreux visages familiers. Les rues, quasi piétonnes, parlent italien, espagnol, anglais, allemand et français. D'abord haut lieu de rendez-vous des hippies cinquantenaires, Pushkar est également devenu une destination à la mode pour les babacools et autres drogués européens de notre génération.

            Le seul temple du monde dédié à Brahma se trouve ici. Il est l'une des divinités principales de la trinité hindou : Brahma est le dieu créateur, Shiva le dieu destructeur et Vishnou le dieu conservateur. La légende raconte que Brahma attendait impatiemment son épouse pour accomplir un rituel nécessitant le présence d'une femme, il finit par épouser une jeune fille de Pushkar. Furieuse, Savitri, sa première épouse, jura que l'on ne célébrerait son culte nulle part ailleurs en Inde. D'autres temples, plutôt récents, ont fleuris à tous les coins de rue. A notre grand étonnement, l'accès à certains d'entre eux nous sera malheureusement interdit... nous sommes trop blancs. Chaque jour, à l'aube, à l'abri du regard des touristes encore endormis, tous les villageois affluent sur les marches plongeant dans le lac, pour s'adonner au rituel du bain sacré, le ghât. Notre intrusion dans leur intimité ne semble pas les gêner. Dans la fraîcheur matinale, ces hommes et femmes se retrouvent, séparément bien sûr, dans une ambiance à la fois sereine et chaleureuse. Ces ablutions nous apparaissent comme les derniers restes d'authenticité de Pushkar, envahie par les bazars à touriste. 

Pushkar


Coucher de soleil sur le lac sacré

"Natural view"...

Photos du 17 novembre 2011

14, 15 novembre


Nous terminons notre séjour dans la ville rose tout en douceur. Les visites du City Palace de Jaipur et du fort de Jaigarth nous enseignent de nombreuses choses sur la vie des maharajas. Ce ne sont pas uniquement les « pachas », oisifs, avides de chasse aux fauves à dos d'éléphant que nous avions imaginés. Certains de ces hommes furent de grands penseurs et d'autres dévoués à leur patrie. Malgré la perte d'une grande partie de leur pouvoir, les maharajas continuent de porter ce titre honorifique. 

Certes pas du même acabit, mais tout de même impressionnant, nous avons enfin assisté à la réception du mariage auquel la famille de Push nous a convié. Nous retrouvons ici, pamis le millier d'invité, tous les voisins, jusqu'au prêtre sadhu du grand temple de de Shiromani. Un sadhu est un ascète ayant renoncé à toute chose matérielle dans le but de terminer le cycle des réincarnations et ainsi mener son âme au bonheur éternel. Le décor est digne de Bollywood et les mariés installés sur le piédestal restent assis toute la soirée pour permettre à tout le monde de prendre des photos. L'organisation est énorme, le long des quatre côtés du parc se tiennent des stands de nourriture, pour le plaisir de toutes les papilles. C'est également un délice pour les yeux,  les femmes ont toutes revêtu leur plus beau sari pour l'occasion, et certains Rajpoutes arborent fièrement leur turban coloré. Les blancs que nous sommes sont tout de même à l'origine de bien  des curiosités.

Jaipur 3

Notre famille d'accueil à Amer
en haut de gauche à droite : Push, Emi, Joy, Mathieu
en bas de gauche à droite : Dipti (la soeur), Daulat (le père), Julee (la chienne), Bhanwar (la mère)

City Palace


Le fameux temple de Shiromani avec ses trois styles :
Base musulmane
Partie principale hindoue
Partie supérieure jaïne


Les jardins du fort de Jaigarth

Une petite photo avec les mariés

Qui a dit que les européens intriguent les indiens ?

Avec Joy, le frère de Push (notre hôte)

Photos du 15 novembre 2011

10, 11, 12, 13 novembre


Nous avons décidé de prendre notre temps ici à Amer, en compagnie de Push, son frère  Aditya surnommé « Joy », sa sœur Dipti, son cousin Kuldeep, sa mère Bhanwar et son père Daulat... sans oublier le chien Julee. Nous nous sentons très bien dans cette famille de Rajpoutes (caste des guerriers du Rajasthan). Un soir, nous discutons 2 heures avec le père, qui revêt son habit traditionnel composé d'une longue chemise blanche, d'une sorte de pagne blanc et d'un long turban orange de 6 mètres, enroulé à la manière locale autour de la tête. La couleur peut déterminer l'ethnie, la caste, les événements survenus dans la famille, la région, la saison, l'appartenance à une famille royale. La longueur traduit l'aridité de la région car il sert à tirer l'eau du puits. Le drapé est également un art et dépend de nombreux critères. Les traditions sont encore très présentes en Inde. De la même façon que Chandan, notre hôte de Delhi, le père nous explique qu'il est à la recherche d'une épouse pour chacun de ses fils.  Elle doit bien sûr être Rajpoute et les astres des futurs mariés doivent être compatibles, quitte à trouver la combinaison parfaite à plusieurs centaines de kilomètres. A l'image de cette famille, l'Inde se modernise et s'ouvre au monde occidental tout en conservant des coutumes ancestrales.

La naissance d'une fille représente une réelle charge pour les parents qui devront constituer une dote pour pouvoir la marier. Le mariage, en plus d'être une affaire d'étoiles et de caste, se présente comme une transaction entre les deux familles. Il faut parfois longtemps pour trouver un arrangement sur le montant de la dote, les cadeaux l’accompagnant ainsi que la date à partir de laquelle la future mariée appartiendra à la famille de son époux. C'est bien de possession dont nous parlons ici. La place de la femme en Inde est petite, peut-être minuscule voire quasi inexistante. Notre famille se compose de trois hommes et deux femmes, mais nous n'avons aucune interaction avec la gente féminine. Le matin, le père, en bon chef de famille, se rend en ville pour tenir une bijouterie. La mère reste la journée entière à la maison et vaque à ses occupations quotidiennes: préparer le repas, faire la lessive, nettoyer les différentes pièces, bénir la maison, etc. Lorsque le père vient passer du temps en notre compagnie et désire nous offrir le thé, il n'a qu'à demander, la mère nous apportera les tasses sur un plateau. La sœur de Push nous évite, nous sommes ici depuis plusieurs jours mais nous n'avons toujours pas entendu le son de sa voix, à peine nos regards se sont-ils croisés. Malgré l'aspect négatif que peut avoir cette description pour nos yeux de français, avec nos codes, nos coutumes et habitudes, la situation ne semble incommoder personne, au contraire, les sourires s'échangent facilement entre les membres de la famille.

Jaipur est la capitale du Rajasthan, état frontalier du Pakistan au Nord Ouest de l'Inde. Comme toutes ses voisines de la région, une couleur la surnomme. Jaipur est la ville rose. La ville se trouve sur un plateau entourée de montagnes rocheuses. Cette ville est la première ville d'Inde à avoir été construite de toute pièce par un urbaniste. La décision de bâtir cette ville fut prise par le Maharaja Sawai Jai Singh II qui lui donna son nom et sur qui nous reviendrons. Elle s'élève à l'intérieur de hauts remparts encore intacts et s'organise en grandes avenues rectilignes coupées à angle droit par des ruelles. Le Maharaja se servit de la pierre locale d'une couleur jaune pour construire sa ville. Jaloux de la qualité du grès rouge des villes voisines comme Agra ou Delhi, il décida de colorer tous les bâtiments en rouge ce qui donna un aspect rosé à la ville de Jaipur. Le fort de Nahargarh surplombe la cité de 2 400 000 habitants. Les rues sont bordées de bazars qui inondent la chaussée bruyante. Plusieurs places touristiques retiennent notre attention. Le Hawa Mahal, en français palais des vents, porte bien son nom. En effet, ce palais construit pour les femmes et concubines du Maharaja possède une immense façade toute percée permettant aux femmes du harem d'observer la vie dans la rue sans être vues et à l'air de circuler, rafraîchissant ainsi les étages. Le Jantar Mantar est le 5ème et dernier observatoire astronomique construit par Jai Singh II dit Sawai, l'érudit. C'est également le plus grand, permettant de calculer l'heure exacte du soleil à 2 secondes près. L'astronomie étant étroitement liée à l'astrologie en Inde, des instruments sont installés pour connaître les constellations exactes à l'heure des naissances. Malgré les superbes monuments que nous voyons, nous ne trouvons pas de charme dans cette ville, probablement dû à la surpopulation.

En revanche, la petite ville dans laquelle nous logeons nous comble de bonheur. Le calme des nuits et la gentillesse des gens qui ne cessent de nous saluer dans la rue, en particulier les enfants, ou de nous prendre en photo nous plaisent vraiment. Nous nous promenons dans les environs, visitons le magnifique palais d'Amber, ancienne demeure du Maharaja, digne des plus beaux palais des milles et une nuits, et nous intéressons à quelques uns des 365 temples jaïns ou hindous de cette ancienne capitale.  L'un d'eux, le temple de Shiromani à quelques pas de la maison de Push est particulièrement beau. Son architecture est unique au monde, la base du temple s'inspire de l'art moghol, donc musulman, la partie principale est purement hindou, avec ses éléphants et tigres sculptés, tandis que les structures supérieures très ondulées sont jaïns. Nous avons pris l'habitude de cohabiter avec les animaux : les éléphants portent nonchalamment les hordes de touristes sur leur dos, les vaches déambulent dans la ville sans jamais être dérangées, les cochons se nourrissent des déchets sur les trottoirs, les chiens errants luttent contre les maladies tandis que les singes se disputent le territoire et protègent âprement leur progéniture.  Lors d'une balade autour d'un lac à seulement 10 minutes à pied, nous sommes surpris par la diversité des oiseaux que nous rencontrons. Ces images d'une nature un peu moins polluée par l'urbanisme et le tourisme nous accompagnent toute l'après-midi.

Jaipur 2

Jantar Mantar, ou comment lire l'heure à deux secondes près

Le Hawa Mahal, palais des vents 


 Musée Albert Hall de Jaipur

 Les indiens aiment se faire photographier avec les européens


Le dentiste renommé des rues de Jaipur

Pique-nique au bord du lac d'Amer 

 Le Martin-pêcheur


Du haut de la forteresse, une superbe vue sur le palais d'Amber

Photos du 13 novembre 2011