10, 11, 12, 13 novembre


Nous avons décidé de prendre notre temps ici à Amer, en compagnie de Push, son frère  Aditya surnommé « Joy », sa sœur Dipti, son cousin Kuldeep, sa mère Bhanwar et son père Daulat... sans oublier le chien Julee. Nous nous sentons très bien dans cette famille de Rajpoutes (caste des guerriers du Rajasthan). Un soir, nous discutons 2 heures avec le père, qui revêt son habit traditionnel composé d'une longue chemise blanche, d'une sorte de pagne blanc et d'un long turban orange de 6 mètres, enroulé à la manière locale autour de la tête. La couleur peut déterminer l'ethnie, la caste, les événements survenus dans la famille, la région, la saison, l'appartenance à une famille royale. La longueur traduit l'aridité de la région car il sert à tirer l'eau du puits. Le drapé est également un art et dépend de nombreux critères. Les traditions sont encore très présentes en Inde. De la même façon que Chandan, notre hôte de Delhi, le père nous explique qu'il est à la recherche d'une épouse pour chacun de ses fils.  Elle doit bien sûr être Rajpoute et les astres des futurs mariés doivent être compatibles, quitte à trouver la combinaison parfaite à plusieurs centaines de kilomètres. A l'image de cette famille, l'Inde se modernise et s'ouvre au monde occidental tout en conservant des coutumes ancestrales.

La naissance d'une fille représente une réelle charge pour les parents qui devront constituer une dote pour pouvoir la marier. Le mariage, en plus d'être une affaire d'étoiles et de caste, se présente comme une transaction entre les deux familles. Il faut parfois longtemps pour trouver un arrangement sur le montant de la dote, les cadeaux l’accompagnant ainsi que la date à partir de laquelle la future mariée appartiendra à la famille de son époux. C'est bien de possession dont nous parlons ici. La place de la femme en Inde est petite, peut-être minuscule voire quasi inexistante. Notre famille se compose de trois hommes et deux femmes, mais nous n'avons aucune interaction avec la gente féminine. Le matin, le père, en bon chef de famille, se rend en ville pour tenir une bijouterie. La mère reste la journée entière à la maison et vaque à ses occupations quotidiennes: préparer le repas, faire la lessive, nettoyer les différentes pièces, bénir la maison, etc. Lorsque le père vient passer du temps en notre compagnie et désire nous offrir le thé, il n'a qu'à demander, la mère nous apportera les tasses sur un plateau. La sœur de Push nous évite, nous sommes ici depuis plusieurs jours mais nous n'avons toujours pas entendu le son de sa voix, à peine nos regards se sont-ils croisés. Malgré l'aspect négatif que peut avoir cette description pour nos yeux de français, avec nos codes, nos coutumes et habitudes, la situation ne semble incommoder personne, au contraire, les sourires s'échangent facilement entre les membres de la famille.

Jaipur est la capitale du Rajasthan, état frontalier du Pakistan au Nord Ouest de l'Inde. Comme toutes ses voisines de la région, une couleur la surnomme. Jaipur est la ville rose. La ville se trouve sur un plateau entourée de montagnes rocheuses. Cette ville est la première ville d'Inde à avoir été construite de toute pièce par un urbaniste. La décision de bâtir cette ville fut prise par le Maharaja Sawai Jai Singh II qui lui donna son nom et sur qui nous reviendrons. Elle s'élève à l'intérieur de hauts remparts encore intacts et s'organise en grandes avenues rectilignes coupées à angle droit par des ruelles. Le Maharaja se servit de la pierre locale d'une couleur jaune pour construire sa ville. Jaloux de la qualité du grès rouge des villes voisines comme Agra ou Delhi, il décida de colorer tous les bâtiments en rouge ce qui donna un aspect rosé à la ville de Jaipur. Le fort de Nahargarh surplombe la cité de 2 400 000 habitants. Les rues sont bordées de bazars qui inondent la chaussée bruyante. Plusieurs places touristiques retiennent notre attention. Le Hawa Mahal, en français palais des vents, porte bien son nom. En effet, ce palais construit pour les femmes et concubines du Maharaja possède une immense façade toute percée permettant aux femmes du harem d'observer la vie dans la rue sans être vues et à l'air de circuler, rafraîchissant ainsi les étages. Le Jantar Mantar est le 5ème et dernier observatoire astronomique construit par Jai Singh II dit Sawai, l'érudit. C'est également le plus grand, permettant de calculer l'heure exacte du soleil à 2 secondes près. L'astronomie étant étroitement liée à l'astrologie en Inde, des instruments sont installés pour connaître les constellations exactes à l'heure des naissances. Malgré les superbes monuments que nous voyons, nous ne trouvons pas de charme dans cette ville, probablement dû à la surpopulation.

En revanche, la petite ville dans laquelle nous logeons nous comble de bonheur. Le calme des nuits et la gentillesse des gens qui ne cessent de nous saluer dans la rue, en particulier les enfants, ou de nous prendre en photo nous plaisent vraiment. Nous nous promenons dans les environs, visitons le magnifique palais d'Amber, ancienne demeure du Maharaja, digne des plus beaux palais des milles et une nuits, et nous intéressons à quelques uns des 365 temples jaïns ou hindous de cette ancienne capitale.  L'un d'eux, le temple de Shiromani à quelques pas de la maison de Push est particulièrement beau. Son architecture est unique au monde, la base du temple s'inspire de l'art moghol, donc musulman, la partie principale est purement hindou, avec ses éléphants et tigres sculptés, tandis que les structures supérieures très ondulées sont jaïns. Nous avons pris l'habitude de cohabiter avec les animaux : les éléphants portent nonchalamment les hordes de touristes sur leur dos, les vaches déambulent dans la ville sans jamais être dérangées, les cochons se nourrissent des déchets sur les trottoirs, les chiens errants luttent contre les maladies tandis que les singes se disputent le territoire et protègent âprement leur progéniture.  Lors d'une balade autour d'un lac à seulement 10 minutes à pied, nous sommes surpris par la diversité des oiseaux que nous rencontrons. Ces images d'une nature un peu moins polluée par l'urbanisme et le tourisme nous accompagnent toute l'après-midi.

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